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der aux actions du mal une existence pénible que la pratique du bien et le travail leur rendraient honorable et facile.

Le nombre est grand de ceux qui, répudiant toute contrainte, dépouillant toute vergogne, vivent en dehors de la société et n’y touchent que pour lui nuire. Malgré la surveillance incessante dont ils sont l’objet, malgré les lois qui les enserrent, les atteignent et les châtient, ils restent au milieu de nous, dans notre grande ville, si fertile en tentations, comme une tribu insoumise, toujours en révolte, rêvant le mal, l’accomplissant avec une audace que rien ne semble pouvoir atténuer et se recrutant parmi les déclassés qui flottent au-dessus de notre civilisation comme des herbes lépreuses au-dessus d’un marais. Dans le soin de notre population active et laborieuse, c’est un peuple à part, sans foi ni loi, sans feu ni lieu, spécialisé dans ses aptitudes particulières et fidèle à des coutumes transmises qu’on a bien étudiées et dont la connaissance permet le plus souvent de découvrir les auteurs des crimes commis.

La paresse, ou plutôt la haine instinctive de tout état régulier, la recherche et le besoin tyrannique des plaisirs grossiers, mènent le plus souvent ces malheureux au vagabondage, à la rébellion, au vol et parfois au meurtre. La bêtise et l’irréflexion y sont pour beaucoup, et tel homme, jeune, solide, bien constitué, a dépensé pour subsister de fraude et de larcin plus d’énergie, de savoir-faire et de vigueur qu’il ne lui en eût fallu pour vivre tranquillement, à l’abri de tout reproche, en exerçant un bon métier.

Leur existence est des plus misérables ; à la fois chasseurs et gibier, dressant l’oreille au moindre bruit, toujours en alerte, ne dormant que d’un œil, mangeant au hasard, harcelés autant par leurs passions que par leurs craintes, pendant qu’ils poursuivent leurs projets