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leur fuite, mais d’autres sont revenus ; l’assasinat d’Argenteuil est là pour le prouver.

La surveillance de ces bandits n’est pas toujours commode à exercer, d’autant plus que, mûris par l’expérience, ils sont aussi fertiles en ruses que le fils du divin Laërte. En 1852, la sûreté arrêta à Paris un forçat redoutable échappé du bagne et nommé Pernot ; on le remit à la gendarmerie pour qu’il fût réintégré à Toulon. Pendant le trajet de Châlon à Lyon, et bien qu’il eût des menottes, il s’élance du bateau à vapeur et se jette dans la Saône, où il disparaît. Grande rumeur ; on fait stopper ; les gendarmes, fort penauds, descendent à terre et se livrent à de minutieuses recherches qui restent infructueuses. Le procès-verbal constatant « le décès par immersion » du forçat arrive à la préfecture, où Pernot était déjà depuis deux jours. Précédant à Paris l’annonce de sa mort et reconnu par un inspecteur dans un cabaret, il avait été immédiatement arrêté.

On se passionné pour ce métier, et cela se comprend ; car la chasse à l’homme, au dire de ceux qui l’ont pratiquée, est le plus émouvant de tous les plaisirs. Et puis n’y a-t-il pas un attrait supérieur à déjouer les ruses, à arracher les masques, à désarticuler les mensonges et à mettre à nu la vérité, si hideuse qu’elle soit ? C’est à cela qu’ils excellent, ces hommes auxquels nulle illusion ne doit plus rester. Une oscillation des traits du visage, une contraction involontaire des muscles de la bouche, un mouvement des yeux leur suffit parfois et leur indique sur quelle corde ils doivent spécialement appuyer pour amener les criminels à se confesser. Chose étrange, comme pour ces créatures perdues dont j’ai parlé plus haut, tout mauvais traitement les trouve insensibles, et la rigueur s’émousse sur des êtres dont la vie n’a été qu’une longue et terrible lutte contre la faim, le froid et la meute des mauvaises passions. Une bonne parole, au