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on apprit avec certitude qu’un forçat évadé de Cayenne travaillait au faubourg Saint-Antoine chez un menuisier. Des agents se rendirent près de l’atelier, l’un d’eux entra, et, s’adressant à l’homme recherché, le pria de venir tout de suite faire une réparation urgente dans une maison voisine. Sans défiance, le condamné en rupture de ban sortit, fut immédiatement appréhendé au corps, ligotté et jeté dans un fiacre qui l’attendait. Il protestait et disait : « Je suis un bon ouvrier, je me nomme Florent ; » et les agents lui répondirent : « Vous vous justifierez à la Préfecture. » Il répéta toutes ses explications devant le chef du service de sûreté, qui lui répliqua : « Vous ne vous appelez pas Florent, vous vous nommez B… ; vous avez été condamné par la cour d’assises d’Alger à dix ans de travaux forcés ; vous vous êtes échappé par les possessions hollandaises ; vous vous êtes rendu à Londres, où vous avez logé à tel endroit ; vous êtes rentré en France par Calais ; vous portez au bras gauche un tatouage, le voilà ; vous avez une cicatrice de petite vérole à la narine droite, la voici ; ne niez donc pas l’évidence et avouez franchement la vérité. » L’homme atterré contemplait son impassible interlocuteur et gardait le silence ; la précision des paroles qu’il entendait le remplissait d’une sorte de stupéfaction mêlée d’épouvante ; enfin il se décida à parler et dit : « Je ne sais pas où vous avez appris tout cela, mais c’est vrai ; je suis un évadé. »

Où donc ont-ils « appris tout cela » ? C’est en effet la question que chacun peut se poser. Il est facile d’y répondre. Quelque actif, intelligent et dévoué qu’il soit, le service de sûreté serait promptement débordé par la masse des malfaiteurs, si parmi eux il n’avait des alliés obscurs et inconnus qui, en échange de quelques tolérances administratives, apportent un contingent de renseignements très-précieux. Ce sont le plus souvent