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l’animal n’est abandonnée aux chrétiens, ainsi que cela se faisait jadis avec certains détails que Buxtorf raconte[1].

L’animal qu’on s’apprête à sacrifier devrait être, selon l’antique usage des Juifs, attaché par les quatre pieds réunis, en souvenir d’Isaac que son père lia ainsi sur le bûcher ; aujourd’hui, à Paris du moins où les minutes valent des heures, on se contente à moins. Lorsque le bœuf est solidement fixé à l’anneau, on lui passe un nœud coulant à chaque jambe de devant ; la corde est attachée à un câble manœuvré à l’aide d’un treuil ; en deux tours de roue, l’animal est par terre, étendu sur le flanc. Un boucher pose un genou sur son épaule, le saisit par les cornes et lui ramène violemment la tête en arrière. Involontairement, lorsqu’on assiste à ce spectacle, on pense aux sculptures commémoratives du culte de Mythra.

Pendant ce temps, le schohet (textuellement le trancheur) est debout ; il tient son damas à la main. C’est un coutelas emmanché très-court, à lame longue, droite, inflexible et arrondie du bout. Il passe deux fois très-attentivement l’ongle sur le fil afin de s’assurer que celui-ci n’est point ébréché, car il est dit au Lévitique : « Vous ne mangerez d’aucun sang, » et les juifs croient que si la lame avait une entaille, si petite qu’elle fût, l’animal pourrait s’effrayer, que dans ce cas le sang se coagulerait dans le cœur d’où il ne pourrait s’écouler. Le sacrificateur s’avance alors ; en marchant, il doit dire mentalement : « Béni soit le Seigneur qui nous a jugés dignes de ses préceptes et nous a prescrit l’égorgement. »

  1. « Armos itaque posteriores christiania vendunt : verum qui hanc carnem libenter ab illis emunt perpendant id, quod ab omnibus Judæis ad christianam fidem conversis unanimi consensu scribitur, illos hanc carnem primum inquinare, ab illorum filiis et filiabus conspurcari, dirisque hujuscemodi et devotionibus illam christianorum esui destinare ; diram mortem carnis hujus esus christiano afferat. » (Synagoga judaica, Joannis Buxtorf, cap. xxvi.)