Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de plus combien les populations étaient encore arriérées en matière de liberté commerciale, et combien elles revenaient vite aux criminelles erreurs d’autrefois, lorsqu’elles se croyaient lésées dans leur intérêt direct. L’année 1846 avait été stérile, et la disette fut grave en 1847. Le vieux mot d’accapareur reparut dans le vocabulaire des paysans ; des menaces furent proférées ; on s’aigrissait de jour en jour. Trois voitures de blé à destination d’Issoudun, traversant Buzançais, furent arrêtées de force le 15 janvier par la population soulevée, qui déclara qu’elles seraient conduites au marché, et que le blé serait vendu à raison de trois francs le double décalitre au lieu de sept francs qu’il valait partout. Le lendemain, les émeutiers mirent des moulins au pillage, brisèrent les meules qu’ils précipitèrent dans la rivière, ce qui était un assez piètre moyen d’avoir du pain à bon marché. De là, ils se répandirent dans la ville et firent signer aux principaux propriétaires l’engagement « de donner au peuple le décalitre de blé froment pour 1 fr. 50 cent., et l’orge pour 1 franc. » Un M. Chambert-Huart, ayant refusé son adhésion, fut assassiné et presque dépecé. Les autorités, la force armée survinrent ; on arrêta vingt-six personnes qui furent traduites à la cour d’assises de l’Indre. Les débats révélèrent un fait qui se retrouve à chaque page de l’histoire de nos révolutions Les hommes, après s’être emparés des charrettes, les abandonnèrent sur l’observation du maire ; ce fut alors que les femmes apparurent, firent honte aux hommes de leur lâcheté, les excitèrent, les entraînèrent et furent jusqu’à la fin à la tête du mouvement. Le verdict reconnut vingt-cinq coupables, dont trois furent condamnés à la peine de mort, qu’ils subirent, et les vingt-deux autres à diverses peines, variant entre les travaux forcés à perpétuité et cinq ans de réclusion.