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leur maison dans la crainte d’être lapidés. Plusieurs fois ils avaient été reconduits chez eux à coups de pierres par des gens affamés qui les traitaient d’accapareurs et les accusaient de trop bien se nourrir.

Dès qu’on put respirer et qu’on pressentit l’apaisement, on mit fin à toutes les prescriptions exceptionnelles dont on avait embarrassé un commerce qui, plus que tout autre peut-être, a besoin d’une liberté absolue pour ne pas devenir illusoire. La loi du 21 prairial an V rétablit la libre circulation des grains à l’intérieur. Quant à la liberté complète qui permet l’exportation et l’importation, elle ne fut jamais régulièrement appliquée sous le Consulat ni sous l’Empire. On ne pouvait raisonnablement l’attendre du souverain qui avait imaginé le système du blocus continental. Cependant le régime prohibitif cessa d’être absolu à partir du 25 prairial an XII. On autorisa la sortie des blés, mais pour certaines destinations seulement, destinations sévèrement désignées, parfois modifiées et qui restaient toujours soumises à l’approbation ministérielle. L’échelle mobile, qui, avec des variations diverses, et indépendantes du principe en lui-même, a fonctionné jusqu’à l’époque récente où la loi du 15 juin 1861 a établi la liberté du commerce, date en réalité du 6 juillet 1806. Ce système permettait l’exportation dans certains cas et l’interdisait dans d’autres. L’hectolitre de blé français était frappé à la sortie d’un droit qui variait selon la valeur sur les marchés : à 19 francs il payait 1 fr. 35 ; à 20 fr., 1 fr. 50 cent. ; à 21 fr., 2 fr. ; à 22 fr. ; 3 fr. ; à 23 fr., 4 fr. ; à 24 fr., toute exportation était prohibée. Les mauvaises récoltes de 1810, 1812, 1815, amenèrent une prohibition absolue.

En 1812, on alla plus loin : par décret impérial du 4 mai, la loi du 21 prairial an V fut suspendue jusqu’au 1er  septembre ; les grains ne pouvaient être vendus que