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et la pauvreté devant également disparaître du régime de l’égalité, il ne sera plus composé un pain de fleur de farine pour le riche et un pain de son pour le pauvre. Tous les boulangers seront tenus, sous peine d’incarcération, de faire une seule et bonne espèce de pain, le pain de l’égalité. » On fit alors un recensement des habitants de Paris. Des cartes ou plutôt des bons de pain, envoyés aux sections, furent distribués aux citoyens, et cette mesure parut si bonne que Dumez, administrateur des subsistances, dit au conseil de la commune de Paris (15 décembre 1795) que « dans quelques jours les difficultés pour avoir du pain cesseront absolument ». Les difficultés ne firent que redoubler, et comme, après avoir accusé les satellites de la tyrannie, Pitt, Cobourg, les émigrés, les accapareurs, on ne savait plus guère à qui s’en prendre, on accusa les boulangers qui n’en pouvaient mais, et on en arrêta plusieurs sous prétexte d’accaparement : en effet, chez plusieurs d’entre eux on avait trouvé vingt sacs de blé !

On peut croire que les boulangers accusés d’être contre-révolutionnaires n’avaient qu’un goût médiocre pour le nouvel ordre de choses. En butte à toutes les calomnies, à toutes les défiances, à toutes les dénonciations, harassés de travail et mal rétribués, voyant dès le matin leurs boutiques assaillies par ces longues files de gens que dès lors on appela des queues, sans cesse malmenés par les officiers municipaux qui leur imputaient les mauvais résultats de l’administration de la Commune, guillotinés par le gouvernement s’ils achetaient trop de farine, pendus par le peuple s’ils ne vendaient pas assez de pain, leur sort était digne de pitié, et l’on comprend qu’ils aient parfois regimbé contre les dures obligations qu’on leur imposait. La république avait, en mesures restrictives, en châtiments excessifs, laissé bien loin derrière elle les erreurs de la monar-