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pliquer la situation ; aussi, dans la séance du 24 octobre, les ministres déclinèrent-ils la périlleuse responsabilité de pourvoir à l’approvisionnement de Paris. Ils établissent en effet très-nettement dans leur rapport que les moyens mis en œuvre pour favoriser la circulation intérieure des grains ont été rendus inutiles par les oppositions des provinces, des villes, des villages, malgré les décrets de l’Assemblée nationale. »

Ainsi, l’on avait beau détruire les anciennes douanes provinciales[1], l’esprit de prohibition qui avait inspiré ces institutions néfastes survivait à tout et se manifestait brutalement dès que les circonstances le permettaient. Rouen retenait par la force les bateaux de blés destinés à la capitale, et la population essayait de piller, malgré la loi martiale, les magasins de subsistances que la municipalité de Paris avait fait établir à Vernon. De semblables événements se reproduisent incessamment pendant tout le cours de la Révolution. Paris est toujours affamé, non par le mauvais vouloir ni par la jalousie, mais par l’esprit étroit de la province, par les fausses idées économiques qui présidaient aux transactions, par les mesures précipitées, incohérentes, contradictoires que prenaient à l’envi l’Assemblée nationale et les municipalités. On ne pensait même pas à imaginer que la disette provenait, en grande partie, des perpétuelles hésitations de la législation même et l’on se reprit à croire aux accapareurs avec une foi d’autant plus vive, qu’elle était excitée par une manie de soupçons qui semble avoir été l’épidémie mentale de cette époque et que rien ne parvenait à calmer.

Un pas de géant fut fait en 1791. Dans l’enthousiasme des premiers jours, chacun avait offert, en la nuit du

  1. Au mois de mars 1787, l’Assemblée des notables avait rejeté le projet de la suppression des douanes provinciales, comme attentatoire au bien public.