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se cacher à Viry. On le reconnut, on le saisit, on l’amena à Paris où, reçu aux barrières, il fut conduit place de Grève et pendu à cette fameuse lanterne qui devait tant faire parler d’elle pendant la Révolution. Sa tête, avec une poignée de foin dans la bouche, fut promenée au bout d’une pique et rencontrée par Bertier que la foule entraînait aussi ; ce dernier se débattit, lutta et fut tué. Ceci se passait le 22 juillet. Le 29, Pinet se rendit dans la forêt de Vésinet, où il fut retrouvé le lendemain, la tête fracassée, mais encore vivant ; il affirma qu’il avait été assassiné ; l’opinion publique ne s’égara pas et prétendit qu’il s’était fait justice en se brûlant la cervelle. Avec ces trois hommes mourait le Pacte de famine, et si plus tard, dans des jours douloureux, il y eut encore des accapareurs, on peut croire qu’ils agissaient à leurs risques et périls, sans aucune connivence avec les employés du gouvernement.

La mort de ces malheureux n’amena point l’abondance, tant s’en faut ; leurs agents épouvantés se cachèrent, n’osèrent révéler de quelles ressources l’association disposait, et les grains pourrirent dans quelques magasins ignorés d’outre-mer. Aussi après le très-dur hiver de 1789 la disette s’abattit sur Paris. Le peuple n’y comprenait rien ! il s’était figuré que, puisqu’il était libre, il allait enfin avoir du pain à discrétion. Au mois d’octobre, on n’y tenait plus. Le temps était passé où M. de Boufflers avec quelques bonnes paroles, le cardinal Fleury avec quelques écus, les Suisses avec quelques bourrades, avaient bon marché d’une émeute. Les femmes partirent pour Versailles sans autre dessein préconçu que de demander du pain, d’en exiger, d’en obtenir ; l’affaire de la cocarde nationale insultée fut bien plus le prétexte que le motif. Quand Maillard parut à l’Assemblée, il dit : « Nous sommes venus à Versailles pour demander du pain, » et lorsque quelques minutes