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ragoûtante. Au milieu de tous ces gens qui forment queue à chacune des cases et que les garçons de recette se hâtent d’expédier, il y a bien des industriels sans industrie, qui viennent tâter le terrain et les poches du voisin pour reconnaître si, par hasard, ils ne pourraient pas y trouver, sans malencontre, quelques-uns des fafiots garatés dont ils sont si friands[1].

L’endroit n’est pas sain pour eux d’ailleurs, et j’ai vu rôder là certains bourgeois aux pommettes saillantes, aux larges épaules, aux allures félines, qui pourraient bien avoir dans quelque coin de leur portefeuille une carte d’agent du service de sûreté. Le poisson va toujours à la rivière, et le filou aux endroits où il peut travailler ; il est donc naturel que les salles d’attente de la Banque soient très-fréquentées par les voleurs. Il y a aussi une autre espèce de gens qui hantent la galerie, se mêlant aux groupes dès qu’un chef de service passe auprès d’eux, flânant, regardant deci et delà avec nonchalance, et qui attendent l’instant propice pour aller demander aux garçons si tels billets, dont ils donnent l’indication, ont été remboursés. Ceux-là sont les petits escompteurs, race véreuse par excellence, écorchant le pauvre monde, faisant faire des signatures d’endossement pour cinq sous par les écrivains publics, marchands de contre-marques à l’occasion, ne reculant devant aucun bas métier, tombant souvent en police correctionnelle et frisant parfois la cour d’assises ; on les appelle les toupiniers. Lorsqu’un haut employé les aperçoit et les reconnaît, il s’empresse de les faire jeter à la porte, sans plus de cérémonie que si c’étaient des chiens crottés.

Quand le dernier souscripteur de billet, le dernier

  1. Fafiot garaté est le terme par lequel les voleurs désignent les billets de banque : fafiot signifie papier, et garaté rappelle que les billets ont, pendant de longues années, été signés : Garat.