Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

farine pour son compte. Turgot, qui, disait-on, avait non pas l’amour, mais la rage du bien public, ne put résister au flot d’influences qui le battaient et qui ébranlaient la faible volonté de Louis XVI. Celui dont Malesberbes disait qu’il avait le cœur du chancelier l’Hospital et la tête de Bacon, quitta son poste le 12 mai 1776. Sa chute produisit des impressions bien diverses qui ont trouvé leur écho dans les correspondances de l’époque. « J’avoue que je ne suis pas fâchée de ce départ, » écrit Marie-Antoinette à sa mère. « Je suis atterré, écrit Voltaire, je ne vois plus que la mort devant moi depuis que M. Turgot est hors de place. Ce coup de foudre m’est tombé sur la cervelle et sur le cœur. »

Après Turgot, les ordonnances gothiques sont invoquées de nouveau, tout système disparait, on va à l’aventure, et l’on arrive à ce point d’aberration que, par un arrêt en date du 15 janvier 1780, le parlement interdit l’usage de la faux pour couper les blés. Le traité Malisset fut renouvelé ; Foulon et Bertier avaient été substitués aux anciens signataires de l’acte de 1765; seulement à cette heure on trouvait sans doute Jersev et Guernesey trop proches de la France, car nos blés étaient transportés à Terre-Neuve. Le caissier général de l'association était un certain Pinet, qui avait succédé à ce Mirlavaud que l’abbé Terray avait nommé en 1773 trésorier des grains pour le compte du roi. Il offrait aux capitaux qu’on lui apportait un intérêt qui variait, selon les années, de 30 à 75 pour 100; on peut croire que l’argent ne lui manquait pas. L’instinct des masses ne s’était point trompé. Sans rien savoir de ce qui se passait, elles devinaient en Foulon et en Bertier des accapareurs de la pire espèce, et les poursuivaient d’une haine implacable. Après la prise de la Bastille, Foulon fit répandre le bruit de sa mort, faire ses funérailles et alla