Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tille. On ouvre les portes de la boîte, et, en présence des trois censeurs, l’on y jette des fortunes à payer des empires par 100 000 francs pour les billets de 100 francs, par 500 000 francs pour les billets de 500 francs, par million pour les billets de 1 000 francs. On referme les loquets et l’on se met à tourner. Les mailles des parois sont assez serrées pour que nul fragment de quelque importance ne puisse s’échapper. Les billets se recroquevillent, se distendent dans les liens qui les enserrent, se noircissent sur les bords, donnent une petite flamme bleue hésitante et pâle au-dessus du foyer rouge qui va les dévorer ; puis tout prend feu d’un coup et ce n’est plus qu’un grand brasier. Dans le mouvement de rotation, qu’on ne ralentit pas, les parcelles étincelantes, chassées comme des criblures de blé par une machine à vanner, se frayent un chemin à travers les boucles de la cage, sont rapidement poussées vers le ciel par le courant d’air chaud, passent par-dessus les maisons, flottent et retombent dans la rue de la Vrillière, place des Victoires, et les passants disent, en secouant cette cendre qui s’attache à leurs vêtements : « Tiens, la banque brûle ses billets. »

L’annulation est combinée de telle sorte qu’elle laisse toujours une certaine avance à la fabrication. On peut dire qu’en moyenne la Banque imprime 12 000 billets par jour et qu’elle en annule 8 000 ; de cette façon on est certain de n’être jamais pris au dépourvu. La création fort intelligemment démocratique des coupures de 100 et de 50 francs rend naturellement les annulations et les incinérations plus fréquentes ; il n’est pas de mois où l’on ne brûle de vieux billets[1].

  1. En 1868, la Banque a émis 2 711 000 billets, représentant une somme de 904 750 000 francs ; elle en a annulé 1 739 774 équivalant à 591 250 400 francs, et elle en a brûlé 1 927 192, qui de leur vivant avaient valu 768 854 900 francs.