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commerce est libre, animé, étendu, plus le peuple est promptement, efficacement et abondamment pourvu ; les prix sont d’autant plus uniformes, ils s’éloignent d’autant moins du prix moyen et habituel sur lequel les salaires se règlent nécessairement. » Et il ajoute ces paroles qui durent paraître bien singulières aux gens de cour : « Les approvisionnements faits par le gouvernement ne peuvent avoir le même succès. » Dans la déclaration datée du 5 février 1776 et enregistrée au lit de justice du 12 mars, portant suppression de tous droits établis à Paris sur les blés, farines, etc., il fait dire au roi : « Les grandes villes et surtout les capitales appellent naturellement l’abondance par la richesse et le nombre des consommateurs. Cependant nous reconnaissons avec peine que l’approvisionnement de notre dite ville de Paris, loin d’être abondant et facile, comme il le serait dans l’état d’une libre circulation, a été depuis plusieurs siècles un objet de soins pénibles pour le gouvernement et de sollicitude pour la police, et que ces soins n’ont abouti qu’à repousser entièrement le commerce ; puis, citant les ordonnances de 1415, du 19 août 1661, du 30 mars 1635, il conclut en ces termes : « Ainsi la même police, par des dispositions contradictoires, force de vendre et défend d’acheter. » Il était difficile de voir plus juste et de mieux dire.

« Il y avait en France, s’écrie M. Michelet, un misérable prisonnier, le blé, qu’on forçait de pourrir au lieu même où il était né. Chaque pays tenait son blé captif. » Turgot voulut le délivrer à tout prix ; mais il eut fort à faire et n’y réussit pas ; il ne fut compris par personne, ni par le peuple ni par les nobles[1]. Des habitants d’Auch,

  1. Voltaire avait dit de Turgot : « Ce ministre fera tant de bien qu’il finira par avoir tout le monde contre lui. » De son côté, Horace Walpole écrivait, à la date du 10 octobre 1775 : « Ce pays est bien plus heureux ; il est gouverné par des hommes qui veulent le bien et le font, sous un prince qui n’a pas encore commis une faute et qui sera aussi heureux