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Là le chemin, rongé d’un côté par la rivière de Thérain, côtoyé de l’autre par un cimetière, étant devenu trop étroit, il fallait ralentir la marche des voitures. On n’hésita pas à porter la main sur le séjour des morts. Le grand-vicaire de l’évêché de Beauvais rendit, le 11 avril 1707, une ordonnance qui autorisait les agents du bailliage à agrandir la route au détriment du cimetière, auquel on enlevait un espace de 33 pieds carrés. Le 15 décembre de la même année, les travaux étaient achevés et les chasse-marée pouvaient entrer une heure plus tôt à Paris[1]. Ainsi, en fait de nourriture, tout manquait excepté le poisson ; mais le poisson coûtait fort cher et ne figurait que pour une bien faible part dans l’alimentation publique.

Une autre cause augmentait encore le renchérissement et par conséquent la rareté des denrées : c’était la quantité inconcevable d’offices que Louis XIV avait créés pendant les années de misère (1689 à 1715). Il y avait par exemple la charge de toiseur du poisson du roi, celle de hâteur des rôtis royaux[2]. C’était, parmi les vilains enrichis, à qui se jetterait sur ces sinécures honorifiques qu’on payait à beaux deniers comptant et qui flattaient des vanités faciles à satisfaire. Dans les vingt-cinq années qui précédèrent la mort de Louis XIV, il fut créé de cette façon sur les halles et marchés de Paris 2 461 offices qui furent vendus 77 479 526 livres[3]. C’étaient autant d’impôts nouveaux et mal déguisés dont on grevait les subsistances.

Entre la nécessité de vendre fort cher pour avoir un très-mince bénéfice et les refus du consommateur qui ne voulait pas payer les denrées au delà d’un prix rai-

  1. Delamarre, Traité de la police, t. III, p. 331-333.
  2. Le hâteur des rôtis royaux n’est pas celui qui en accélérait la cuisson, mais celui qui les embrochait  : hastator, de hasta, lance, broche.
  3. Louandre, de l’Alimentation publique sous l’ancienne monarchie, p. 58.