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quantité de cigares demandée, semblables au modèle et en état de conservation parfaite. Malgré toutes les précautions prises, on était trompé bien souvent ; les rebuts étaient nombreux, et les prix de revient allaient sans cesse en augmentant ; un tel état de choses devenait compromettant et il fallut se résoudre à y mettre fin. Le Directeur général n’hésita pas : voyant d’une part les demandes incessantes de cigares exceptionnels dont il était assailli, de l’autre la fraude qui chaque jour gagnait du terrain et menaçait de le déborder, sentant en outre qu’un monopole, pour être respecté, doit offrir des produits variés et d’une qualité absolument supérieure, il proposa au ministère des finances d’installer à Cuba une mission composée d’hommes spéciaux qui seraient chargés d’acheter, pour le compte de l’administration, les meilleurs cigares de la fabrication havanaise. L’affaire était scabreuse et exigeait non-seulement une connaissance approfondie de la matière, mais une probité à toute épreuve, puisque ce genre de négociations allait entraîner chaque année un roulement de plusieurs millions de francs. Le ministre hésitait. — Quels agents assez sûrs me donnerez-vous pour manier de pareilles sommes et rester insensibles à la tentation ? — Des ingénieurs sortant de l’École polytechnique. — Le ministre s’inclina. — Avec ceux-là il n’y a rien à craindre, — et il signa l’ordonnance.

Le commerce se plaignit[1], on n’en tint compte ; la mission partit, s’organisa à demeure et fit les envois qui ont motivé l’ouverture du bureau du Grand-Hôtel (août 1862). Deux chiffres constatent l’importance du résultat obtenu : En 1861, la vente des cigares dits extra s’éle-

  1. Le mécontentement éprouvé par le commerce n’a point pris fin. La rancune persiste, et elle se fait jour de temps en temps par des brochures pleines de critiques acerbes et injustes dirigées contre l’administration des tabacs. Comme l’on en connaît l’origine intéressée, ou n’y prête guère attention.