échauffé qu’on met dans la poudre récemment mouillée, absolument comme les boulangers mêlent un fragment de pâte fermentée, qu’ils appellent le pâton, à la farine trempée qu’ils veulent faire lever. L’énorme armoire est alors hermétiquement fermée, et sur la porte on attache une pancarte qui relate la date de la fabrication, de la mouillade des éléments qui composent la poudre et le jour de la mise en case. La température s’élève peu à peu, et au bout de deux ou trois mois elle atteint environ 45 degrés. De temps en temps on visite les cases, on en vérifie la chaleur. Au bout de trois mois, on en retire tout le tabac, qu’on remet immédiatement dans une autre, en ayant soin auparavant de le bouleverser, de le mêler, de façon que chaque partie soit atteinte par une fermentation égale, qu’elle perde l’excès de nicotine et l’acide malique qu’il renfermait encore et qu’il développe cette chaleur légèrement ammoniacale qu’on nomme le montant, et qui, taquinant la membrane pituitaire, produit cette irritation si précieuse aux priseurs. Au bout d’un an, le râpé sec est enfin devenu du râpé parfait.
Toutes les cases qui datent d’une même époque, et dont le contenu offre un aspect satisfaisant, sont vidées à tour de rôle et rapidement. Ce genre de travail est assez pénible pour les débutants ; ce n’est pas impunément que les premières fois ils remuent ces masses chaudes d’où s’échappent des émanations ammoniacales assez vives ; cela pique les yeux, provoque des éternuements répétés et amène, dans quelques cas, des maux de tête violents. On s’y habitue cependant, plus vite même qu’on ne pourrait le croire, et bientôt l’on n’y pense plus. Néanmoins les ouvriers spécialement chargés de cette besogne ont le teint d’une pâleur mate et grisâtre. C’est là une simple décoloration du derme et non point un indice de faiblesse, car on peut les voir