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une feuille de tabac, de la rouler, de la hacher pour pouvoir priser, chiquer ou fumer, et l’on se trompe. Les préparations sont multiples, lentes et exigent des précautions très-variées. Pour obtenir le tabac sous les quatre formes principales qui sont chères aux consommateurs, sous forme de râpé, c’est-à-dire de poudre, de scaferlati, de rôles (tabac à mâcher) et de cigares, ce n’est pas trop, si l’on veut qu’il soit irréprochable, de tout ce que l’on sait aujourd’hui de chimie et de mécanique.

La manufacture possède un magasin particulier qu’elle fait remplir et qu’elle vide sans cesse. Il est immense et double, car il est situé en partie rue Nicot et en partie dans l’enceinte même de l’établissement ; mais si grand qu’il soit, quand il est bourré du plancher aux solives, il contient les matériaux nécessaires à la consommation de Paris pendant quatre mois. C’est là qu’on empile, en ayant soin de séparer les espèces différentes, les balles renfermant les tabacs indigènes, les sacs en poil de chameau venus d’Orient, les larges caffas en sparterie apportés des bords du Danube, les boucauts de Virginie, les peaux de bœuf arrivées de Guatemala. À l’abri de l’humidité et du soleil, ces tabacs de toute provenance attendent que l’heure soit venue pour eux d’être transportés aux ateliers. L’odeur qui en émane, toute pénétrante qu’elle soit, ne paraît pas trop déplaire aux souris, qui trottent menu à travers les boucauts gerbés et font souvent un trou dans les balles afin d’y établir leur nichée.

Selon la forme que l’on veut donner au tabac, on demande au garde-magasin des espèces désignées dont le choix a été déterminé par l’expérience. Sauf pour les cigares de Havane, on peut affirmer que tout tabac, si l’on veut qu’il soit agréable au goût, doit être mélangé avec d’autres dans certaines proportions qui ont été