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fit là une grosse fortune avant l’établissement du monopole. Elle s’étend, sans aucune symétrie, sur une superficie de deux hectares et demi qui, par la seule plus-value des terrains, donneraient amplement, s’ils étaient vendus aujourd’hui, de quoi élever vers Grenelle ou vers la Santé une manufacture modèle vraiment en rapport avec une si considérable exploitation. C’était jadis un amoncellement de masures auxquelles on ajouta, en 1827, les bâtiments d’habitation qui lui servent de façade et qui ont pris la place de cabarets mal famés et d’une maison occupée par un batelier, dont l’unique travail consistait à transporter les passants dans un large bateau qui tenait lieu, tout seul, des ponts que nous traversons aujourd’hui.

Telle qu’elle est, cette manufacture n’est point belle. Les constructions semblent en avoir été élevées sans plan déterminé, selon les exigences du moment ; les services, au lieu d’être groupés ensemble sous la même main, ont été forcément disséminés dans de vastes salles que réunissent des escaliers incommodes, souvent étroits, toujours pénibles à gravir. Les cours, exposées au soleil, sont égayées par quelques arbres qui se détachent sur les hautes murailles blanches et mornes. Deux immenses cheminées en briques garnies de paratonnerres dominent les toitures. On entend le bruit régulier des machines à vapeur et le ronflement des foyers qui dévorent le charbon. Dés que l’on a franchi la porte, on ne peut se méprendre, on est bien dans une manufacture de tabac. On n’a encore rien vu, que déjà un parfum chaud et comme acidulé vous enveloppe, s’attache à vous, imprègne vos vêtements, vous accompagne partout et vous suit longtemps encore après que l’on est sorti. On entre, on éternue ; le portier sourit, il a reconnu un novice.

On croit assez généralement qu’il suffit de pulvériser