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1747, la Compagnie des Indes, destinée, après avoir fait concevoir tant de magnifiques espérances, à mourir si misérablement, posséda les tabacs, qui entrèrent ensuite dans le mécanisme des droits réunis. Ils y restèrent jusqu’au décret du 20 mars 1791, qui reconnaissait à tous les Français le droit de cultiver, fabriquer et vendre du tabac sous quelque forme que ce fût. Deux ans plus tard, une restriction fiscale modifia cette liberté absolue, et les négociants en tabac furent tous astreints à payer une licence.

Par les sophistications que les marchands de comestibles font aujourd’hui subir à leurs denrées, malgré l’étroite surveillance dont ils sont l’objet, on imaginera facilement ce que pouvait être ce commerce spécial dans ce temps-là. Sous le nom de tabac, on fumait toutes les herbes de la Saint-Jean, des feuilles de choux, des feuilles de noyer, du varech, du foin ; on prisait du tan, du poussier de mottes, des racines de lichen d’Islande porphyrisées et bien d’autres choses dont le nom honnête est encore à trouver. Les vrais amateurs faisaient à grands frais venir leur tabac de la Hollande, qui du moins fournissait des produits sincères de Varinas et de Virginie, à la marque des Trois-Rois. Cette situation se prolongea jusqu’au milieu de la période impériale.

Une remarque fortuite faite par Napoléon Ier amena, dit-on, le régime du monopole exclusif, qui dure encore et ne parait pas près de prendre fin. Au commencement de l’hiver de 1810, à un bal donné au palais des Tuileries, l’empereur vit passer devant lui une femme couverte de diamants. Il demanda quelle était la personne qui était assez riche pour étaler une telle profusion de pierreries. On lui répondit que c’était tout simplement

    point de pas à faire là-dessus. » (Journal de Dangeau, éd. Didot, tome XVI, p. 168.)