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à manger pour quelques sous. Il y en a pour toutes les bourses. Pendant que les uns n’utilisent que des truffes et des vins de grand cru, les autres sont forcés d’avoir recours à l’employé aux yeux de bouillon[1], pour donner une apparence à peu près acceptable à la soupe qu’ils puisent à la fontaine et colorent avec un peu d’oignon brûlé ; mais il y a là des arcanes culinaires que nous n’osons pénétrer. Plus d’une de ces tables interlopes s’alimente au pavillon n" 12, auprès des marchands d’arlequins. Du reste, tous ces établissements, depuis le plus élevé dans la hiérarchie gastronomique jusqu’au plus infime, jusqu’à celui où le repas complet coûte 50 centimes, sont activement surveillés et soumis à des règlements de police dont les prescriptions, toujours respectées, sont fréquemment rappelées par les agents de l’autorité.

J’ai dit en son lieu quelle était la fonction spéciale des inspecteurs de la boucherie, des dégustateurs, des compteurs-mireurs. D’autres employés, désignés sous le nom d’inspecteurs ambulants des comestibles et vulgairement appelés flaireurs, sont chargés de visiter toute maison, quelle que soit son enseigne, où l’on vend des denrées alimentaires sous une forme quelconque. Ce service, qui ne chôme pas dans une ville aussi vaste que Paris, comprend un personnel de vingt-huit agents dirigés par un inspecteur-principal et un inspecteur-principal-adjoint. Toujours marchant, allant par rues, faubourgs, quais, places et boulevards, ils veillent incessamment sur la santé des Parisiens, qui ne s’en doutent guère.

  1. Un homme prend une cuillerée d’huile de poisson dans sa bouche, au moment où doivent arriver les pratiques, à l’heure de l’ordinaire, et, serrant les lèvres en soufflant avec force, il lance une espèce de brouillard qui, en tombant dans la marmite, forme les yeux qui charment tous les consommateurs. Un habile employé aux yeux de bouillon est un homme très-recherché. » (Privat d’Anglemont, Paris-anecdote p. 45.)