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des mêmes maux. Le quinzième siècle est spécialement misérable. Dans son Alimentation publique sous l’ancienne monarchie, M. Charles Louandre fait remarquer avec raison que l’impossibilité de vivre, de nourrir sa famille, de payer les impôts, dans la patrie même, inspire le goût des découvertes. C’est à qui se jettera dans les lointaines aventures ; tout pays inconnu semble un paradis en comparaison de celui que l’on habite. On parle le soir, à la veillée sans feu, de ces contrées d’au delà des mers où les montagnes sont en or pur, où les fleuves sont de lait, où les animaux viennent à la voix de l’homme ; on part à la recherche de ces îles magiques où il n’y a ni faim, ni pauvreté, ni seigneurs : Diaz, Covilham, Vasco de Gama, Christophe Colomb, Cortez, Pizarre ouvrent la voie par où l’Europe allanguie, épuisée, surmenée, pourra s’écouler vers des destinées meilleures.

Chaque province, étant considérée comme un État particulier, avait ses frontières, et chaque frontière avait ses douanes, qui exigeaient chacune un péage. Ainsi, en admettant que le blé eût pu venir de Marseille, il eût avant d’arriver à Paris payé droit de passage au Comtat, au Dauphiné, à la Bourgogne, au Nivernais, à l’Orléanais, à l’Île-de-France, sans compter les droits de transit et les péages particuliers. Quant à Marseille, quelles que fussent les récoltes du Nord, elle n’en connaissait rien, et même au siècle dernier elle tirait ses grains des États barbaresques[1].

On sait la misère qui accabla Paris sous le règne des Valois et pendant la Ligue. Les mères salaient et mangeaient leurs enfants morts. Pierre de l’Estoile a raconté

  1. À la veille de la nuit du 4 août 1789 qui vit abolir tous les privilèges, il existait encore en France 1 569 péages, dont 400 pour les rivières et 1 169 pour les routes ; sur ce nombre, 1 426 appartenaient à la noblesse et au clergé.