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tenir l’égalité des droits individuels et ménager les intérêts des expéditeurs, on avait imaginé de faire mettre au banc de vente des lots successivement pris à chaque voiture, quel que fût son chargement. La mesure était équitable et paraissait donner satisfaction à tout le monde ; mais vers 1860 quelques commissionnaires virent la partie faible de cette disposition, et au lieu de laisser les fourgons des chemins de fer apporter à la Halle la marée qui leur était envoyée, ils imaginèrent d’aller la chercher en gare et de diviser le chargement normal et primitif sur plusieurs petites voitures ; de cette façon ils obtenaient des tours de vente plus nombreux et écoulaient plus rapidement leur marchandise. Cette manœuvre un peu trop subtile s’appelait le coupage. L’exemple était donné ; il fut suivi, et le poisson de mer n’arrivait plus aux Halles que sur une quantité infinie de charrettes à bras, de charrettes à un cheval qui obstruaient la circulation et dont le chargement illusoire rendait vaines les prescriptions les plus sages.

La progression est intéressante à constater : en 1859, 11 634 000 kilogrammes de marée sont apportés par 16 042 voitures ; en 1863, 14 659 850 kilogrammes en occupent 52 280, et enfin en 1866, 14 166 866 kilogrames arrivent sur 78 604 voitures. Ainsi de 1859 à 1866 la quantité de poisson de mer s’est accrue de 22 pour 100, et le nombre des voitures destinées à le transporter a augmenté de 391 pour 100. En décembre 1866, la moyenne de chaque chargement est de 155 kilogrammes ; c’était abusif au premier chef, et les expéditeurs se plaignirent hautement, car un tel état de choses faisait retomber sur eux des charges très-lourdes. Un envoi de poisson expédié de Boulogne à un commissionnaire et valant 65 francs avait été transvasé en gare sur 17 voitures différentes qui, louées à raison de trois