vieux préjugé qui subsiste malgré tous les efforts faits pour l’ébranler, car bien des malheureux ont refusé des bons de viande de cheval qu’on leur avait gratuitement distribués ; et cependant certains peuples, ne seraient-ce que les Kirghizes qui vivent en nomades dans les steppes asiatiques, sont très-friands de viande de cheval et la préfèrent à toute autre.
Il est difficile de parler du commerce de la viande sans dire quelques mots du bœuf gras. D’où vient cette puérile cérémonie ? Du paganisme sans doute, duquel nous l’avons acceptée, sans en conserver la signification religieuse et astronomique. Rabelais raconte que Gargantua s’amusait à jouer au bœuf violé ; c’était là, en effet, le nom qu’on donnait jadis, en France, à l’animal promené dans la ville, au son des violes, le jeudi gras, par les garçons bouchers. Placé sur son dos, un enfant tenait à la main une épée et un sceptre, signes d’une royauté éphémère. Pendant la Révolution, ce vieil usage païen tomba en désuétude, et l’on put croire qu’il était pour jamais abandonné ; mais il fut promptement remis en honneur par le Consulat, qui cherchait volontiers à distraire la population et à l’éloigner des préoccupations politiques. C’était alors le syndicat de la boucherie qui faisait les frais de la mascarade.
Tous les bœufs gras n’ont point été des victimes pacifiques, et quelques-uns, ennuyés du bruit qui les entourait, cherchèrent à y échapper. En 1812, le dimanche 10 février, sur la place du théâtre des Italiens, le bœuf jeta bas l’enfant qu’il portait, s’enfuit, renversa plusieurs personnes, et ne fut repris qu’avec peine ; en 1821, il se débarrassa, deux jours de suite, du palanquin où siégeait l’Amour. De ce moment, l’autorité décida que le bœuf ne servirait plus de monture à personne ; ce fut alors qu’on mena à travers Paris le char symbolique conduit par le Temps lui-même. C’est de