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et réclament à hauts cris ce bienheureux droit de sous-seing qui embarrasse le service, grève le budget, fatigue les employés et menace de tout envahir. Ai-je besoin de dire que la poste repousse ces prétentions que rien ne justifie ? Elle a eu à lutter sérieusement contre quelques très hauts fonctionnaires qui voulaient envoyer, à l’abri de la taxe, les invitations à diner qu’ils adressaient à leurs amis. Le Moniteur officiel et le Petit Moniteur sont transportés en franchise[1]. Ce seul fait n’est-il pas la condamnation de tout le système des contre-seings et de l’extension arbitraire qu’on lui a donnée ?

La poste a beau se défendre, elle est débordée ; ce ne sont pas seulement des correspondances administratives qu’on lui remet, ce sont des colis de toute sorte, des écharpes municipales, des pains de munition. La gendarmerie a été plus loin : sous le cachet de sa franchise, elle a expédié des bottes à l’écuyère, et elle a même trouvé fort mauvais qu’on se soit permis de lui soumettre quelques observations. Cet abus, qu’il devrait suffire de signaler pour qu’on s’empressât de le faire disparaître, durera-t-il longtemps encore en France ? J’espère que non. C’est l’Angleterre qui a ouvert la voie de la réforme postale, c’est elle aussi qui nous apprend ce que nous avons à faire en présence de ce droit exorbitant.

Dans le Royaume-Uni, la correspondance administrative est frappée de la taxe ordinaire ; la reine elle-même n’y échappe point, et ses lettres sont tarifées comme celle du plus humble de ses sujets. Comme les lettres nécessitées par le service public ne doivent pas toutefois être une charge particulière pour les fonctionnaires, le parlement vote chaque année une somme con-

  1. Ces deux journaux sont remplacés aujourd’hui par le Journal officiel et le Bulletin français, car le Moniteur universel a cessé d’être l’organe officiel du gouvernement depuis le 1er janvier 1869.