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Bonaparte ne m’a pas fait général de division, moi qui viens de lui mettre la couronne sur la tête ? » (Allusion à la bataille de Marengo.) La lettre recachetée fut envoyée à son adresse, mais Bonaparte n’en oublia jamais le contenu[1]… »

Le cabinet noir ne disparut pas avec l’Empire, et il fit beaucoup parler de lui sous les Bourbons. Il coûtait alors, comme sous le régime précédent, 600 000 francs, soldés sur les fonds secrets du ministère des affaires étrangères, et était desservi par vingt-deux employés, dont plusieurs étaient de hauts personnages. En 1828, lorsque M. de Villèle tomba, entraînant dans sa chute le préfet de police Delavau, chute qui nous valut l’étrange publication du Livre noir[2], le nouveau ministère déclara officiellement que le cabinet du secret des lettres n’existait plus à l’administration des postes. C’était une supercherie ; on s’était contenté de le faire déménager. Après la révolution de Juillet, on n’eut pas de longues recherches à faire pour le découvrir et prouver qu’il avait fonctionné jusqu’au dernier moment.

Un procès curieux occupa même l’attention publique dans les premiers mois qui suivirent l’avènement de la maison d’Orléans. Une jeune personne d’excellente famille avait épousé vers 1821 un employé supérieur des postes, personnage important, en relation direct avec les Tuileries et émargeant un gros traitement. Ses fonctions, sur lesquelles il ne s’était pas expliqué, exigeaient presque tous les soirs sa présence à son bureau, et souvent il y passait une partie de la nuit. Après les événements de Juillet, la triste vérité apparut tout entière ; le mari était l’un des principaux membres du cabinet noir. Sa femme, indignée en recevant une telle révélation, à laquelle elle était loin de s’attendre, forma immédiate-

  1. Bonrrienne, t. IV, p. 90.
  2. 4 vol. Paris, 1829.