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Dans ces cas on s’adresse à nous pour mener ou ramener les chaises ; nous louons des chevaux qu’on appelle des enragés, parce qu’on ne les ménage point, et qu’ils font de longues courses sans arrêter.

Par exemple, nous aurons envoyé un postillon et des chevaux à votre rencontre à Ponchartrain, à Longjumeau ou autres lieux semblables, notre postillon se rend à une auberge pour rafraîchir et vous attendre, votre chaise arrive ; le maître de poste vous déclare qu’il a le droit exclusif de vous mener, qu’il a fait saisir vos chevaux de louage ; enfin, il vous force d’accepter son service qu’il vous fait payer.

Que deviennent nos chevaux ? Ils restent en fourrière jusqu’à ce qu’il plaise à M. l’intendant, à qui il faut présenter requête, de nous en accorder par provision la délivrance, à la charge par nous de payer les frais de fourrière, et de supporter la perte du temps.

§ 5. — Doléances contre les bureaux vétérinaires.

La mortalité des chevaux est en raison de leurs fatigues et de leurs traitements. Notre état est pour eux une épizootie continuelle. Les dangers et les mauvais temps sont leur partage. Il faut que nous forcions nature pour subvenir aux besoins et aux vexations qui nous accablent. Aussi périt-il à notre service au moins trois mille chevaux par an. C’est une des causes de leur rareté et de leur cherté.

Autrefois leur dépouille nous appartenait ; nous la vendions depuis 6 livres jusqu’à 36, à raison de leur embonpoint ; à présent ils cessent d’être à nous aussitôt qu’ils sont morts ou mis au rebut.

Pour éviter les inconvénients de la voirie, et pour cause de propreté et de salubrité, on a formé un établissement privilégié, connu sous le nom de bureau de la fosse vétérinaire. Aussitôt qu’un cheval est mort, il faut avertir le bureau, qui l’envoie chercher. Six charrettes sont continuellement occupées à ces enlèvements. Chaque cheval produit communément environ 50 livres au privilégié ; car il sait mettre à profit toutes les parties qui le composent.

Nous sommes bien éloignés de blâmer cet établissement, mais nous nous plaignons de ce que l’on s’empare de notre bien sans le payer, d’une marchandise que nous vendions avant la formation de ce bureau.

Pour concilier l’équité avec l’industrie, ne serait-il pas convenable de fixer le prix de chaque cheval à 15 livres, ce qui fait à peu près la moitié du bénéfice que le privilégié retire de la dépouille ?

Si nous perdons annuellement environ trois mille chevaux, ce serait une indemnité de 45 000 livres à répartir entre nous, et cette somme serait de conséquence pour nous qui n’avons pas le moyen de faire aucun sacrifice.