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voulu acheter des équipages de fiacre ? En tous cas, nous étions réduits à être sans état.

C’était à cette extrémité que le sieur Perreau voulait nous amener pour nous soumettre à sa discrétion. C’est ce qui est arrivé.

Le sieur Perreau, en conservant toujours le droit d’employer ses carrosses particuliers, nous vendit le droit de faire usage des nôtres, pour le temps de neuf années, par traités passés devant notaires, à la charge par nous de lui payer par jour 25 sols pendant la première année, 30 sols pendant la deuxième, 35 sols pendant la troisième, 40 sols pendant la quatrième et les suivantes. Ainsi, nous payons actuellement, pour chaque carrosse de place, à raison de 40 sols par jour, 750 livres par an. Il y a environ mille carrosses de place, dont les abonnemens produisent sept cent trente mille livres, ci 
 730 000 liv.
Ce n’est pas tout : le sieur Perreau, par ses lettres patentes, a obtenu le droit d’imposer chaque carrosse de remise à 6 sols par jour, ce qui fait 109 livres 10 sols par an. Il y a au moins huit cens carrosses qui payent ce tribut, et qui conséquemment lui rapportent 
 87 600
Ainsi, nos contributions annuelles montent au moins à 
 817 600

Ce n’est pas tout encore : le sieur Perreau ou ses représentans ont fait établir un grand nombre de carrosses, appelés anglois. C’est un nouveau privilége exclusif qu’il s’attribue ; car il ne nous est pas permis d’en posséder de semblables.

Que fait-il de ses carrosses anglois ? Il les loue 6 livres par jour à ceux d’entre nous qui ont des chevaux, et qui n’ont pas le moyen de rétablir leurs voitures ou d’en acheter de nouvelles.

Que résulte-t-il de ces locations ? La ruine infaillible de ceux qui y ont recours : 6 livres par jour produisent par an 2 190 livres.

Est-il possible qu’un cocher de place puisse vivre et entretenir ses chevaux en prélevant cette somme sur ses salaires ?

Qu’on ajoute enfin à ces revenus les bénéfices que le sieur Perreau retire des voitures et messageries des environs de Paris, et l’on jugera à quel intérêt il a placé le prix de son privilége. La fortune du sieur Perreau et de ses représentans est faite aux dépens de notre existence. Les tributs excessifs qu’ils lèvent sur nous, et qui ne nous dispensent pas de contribuer aux charges de l’État, ont opéré depuis 1779 la ruine de plus de trois cens pères de famille, dont les femmes et les enfants sont réduits à la mendicité.

Néanmoins, le service public ne roule que sur nous. Nous en sommes les acteurs ; le sieur Perreau et ses représentans n’en sont que les spectateurs. Nous le demandons, est-il possible que nous puissions contenter le public tant que ce privilége subsistera ?