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Sur la route, l’escorte des hussards impériaux s’accrut au nombre de trente hommes On ne savait pas encore si Plittersdorff était occupé par les hussards impériaux ou par les Français ; on y trouva des impériaux. Après cinq quarts d’heure de route, le bac fut appelé par un trompette, et tout le monde fut embarqué sur-le-champ. Il est impossible de décrire le sentiment qui se peignit sur tous les visages ; c’était la transition de la presque certitude d’une mort affreuse à l’espoir d’être sauvé. Il n’y a pas de mots non plus pour exprimer leurs témoignages de reconnaissance envers le major Harrant et M. de Jordan. Jean Debry remercia aussi l’officier impérial de l’escorte, en peu de mots que M. de Harrant lui traduisit ; il l’assura que, quoiqu’il soit impossible d’oublier le passé, il se souviendrait de l’escorte qu’il avait enfin obtenue, et que si jamais le sort de la guerre faisait tomber quelques hommes de son régiment entre les mains des Français, lui, Jean Debry, ferait son possible pour qu’on ne se rappelât que la dernière action, et que tout sentiment de vengeance fût étouffé. Il fit un présent à l’escorte.

En quittant Rastadt, sa femme avait remis à M. le baron d’Edelsheim un rouleau de cent louis pour les pauvres de la ville. Dans une demi-heure ils avaient atteint le rivage français. Le crime horrible n’y était pas encore connu, et, suivant le rapport des cochers du margrave qui sont revenus, il paraît que Jean Debry lui-même s’est efforcé d’en empêcher la publication. Les voitures les suivirent de près, et MM. de Harrant et Jordan revinrent à Rastadt, d’où les légations allemandes étaient parties à cinq heures, puisque, n’ayant aucune nouvelle des voyageurs, elles avaient tout lieu de présumer que les voitures avaient passé heureusement.

Les soussignés attestent, sur leur honneur et leur devoir, que tous les faits énoncés ci-dessus sont de la plus exacte vérité. Nous avons été témoins oculaires de la majeure partie de ces événements, et nous avons vérifié les autres avec l’attention la plus scrupuleuse, d’après l’exposé des personnes qui étaient présentes et qui y ont joué un rôle. Nous n’avons eu en vue que de constater les faits dans toute leur pureté, et de les mettre de bonne heure à l’abri de toute altération. Autant qu’il était possible, nous avons supprimé tout jugement, toute observation, tout accès de sensibilité.

Carlsruhe, le 1er mai 1799.

Signé : le comte de Goertz, le baron de Jacobi, de Dohm, de Rosenkranz, de Rechberg, de Refden, baron de Gatzert, comte de Solms-Laubach, Otto de Gemmincem, baron de Kheusn, comte de Taube.

(Extrait du Moniteur, 12 prairial an VII.)