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La constante progression des réceptions ressort surtout de la comparaison des chiffres pris à différentes époques correspondantes : l’année 1846 envoie à la Morgue 302 cadavres, dont 257 hommes, 45 femmes, plus 78 nouveaux-nés et des fragments ; en 1856, l’augmentation se fait déjà sentir : 312 hommes, 50 femmes, 115 nouveaux-nés, 11 portions de corps ; en 1866, les réceptions arrivent au total énorme de 753, qui se décompose de la manière suivante : hommes 486, femmes 86, nouveaux-nés et fœtus, 146, débris 15. Cette sinistre proportion ne se ralentit pas ; 1867 donne 744 corps ou parties de corps qui se divisent ainsi : hommes 513, femmes 65, nouveaux-nés 89, fœtus 56, débris 21. Ainsi qu’on le voit, les femmes sont bien moins nombreuses que les hommes. Cela se conçoit : elles sont plus patientes que nous ; l’espèce d’infériorité sociale qui pèse encore sur elles les a dès l’enfance façonnées à la résignation ; et puis, dans la bataille de la vie, quoiqu’elles aient souvent la plus mauvaise part, elles n’ont qu’une responsabilité singulièrement limitée qui leur enlève ces grands périls moraux où l’homme le mieux doué succombe parfois. Quant aux nouveaux-nés et à ces êtres embryonnaires qui n’ont encore eu qu’une existence interne et problématique, ils sont nombreux ; produits de la misère et aussi de la débauche, leur entrée à la Morgue correspond invariablement aux dates du carnaval et de la mi-carême.

Si du total général nous retranchons ces tristes avortons (c’est le vrai mot qui leur convient) et les méconnaissables fragments humains, il restera 578 adultes (dont 448 ont été reconnus), qui tous ont péri, presque toujours violemment, par des causes diverses dont je citerai quelques unes : 163 suicides, 135 hommes, 28 femmes ; — 16 homicides, 12 hommes, 4 femmes ; — 114 morts subites, 102 hommes, 12 femmes. La majeure