Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/336

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Royal. On y a ajouté depuis quelques années un vaisseau qu’on a appelé la frégate-école, qui est resté longtemps inutile dans les eaux de Neuilly et dont on a cherché à tirer un parti quelconque en y installant des appareils balnéaires. Il n’y a maintenant que quatre établissements de bains chauds à Paris, sur la Seine ; mais en revanche il y a vingt-huit lavoirs, dont six sur les canaux et le reste en rivière. Ce n’est pas une mauvaise industrie, quoique les premiers frais d’installation se montent à 46 000 francs pour deux bateaux juxtaposés garnis d’auvents et de séchoirs. Le droit d’y travailler se paye en gros 40 centimes la journée, et en détail un sou l’heure ; le seau d’eau de lessive mesurant 12 litres vaut cinq centimes ; un compartiment de séchoir muni de barres se loue 40 centimes pour vingt-quatre heures. On chôme ordinairement le dimanche et le lundi. Il est superflu de dire que, tout en faisant mousser le savon, en rinçant le linge et en maniant le battoir, on y babille à perdre haleine.

Ces établissements, où l’on a de l’eau courante à discrétion pour une très minime rétribution, rendent d’inappréciables services à la population pauvre de Paris et lui donnent peu à peu des habitudes de propreté qui finiront par entrer dans ses mœurs. Les blanchisseuses n’étaient pas si commodément installées jadis ; elles venaient simplement laver au cours de l’eau, agenouillées sur un peu de paille ramassée au hasard, souillant leur linge aux fanges de la berge et le voyant parfois disparaître emporté par le courant. Lorsque les rives étaient escarpées, on y appliquait des échelles que les pauvres femmes descendaient et gravissaient chargées de leurs fardeaux humides. En voyant ces sortes d’escaliers primitifs installés aux bords de la Seine devant Chaillot, le Parisien de Néel les prend pour les Échelles du Levant et raconte en termes spirituels comment une lavandière