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l’imagine, car il y a des gens de rivière qui, à Paris et pendant l’hiver, ne vivent que de cet inconcevable métier.

À côté des ravageurs il faut placer les tafouilleux ; ceux-là sont les chiffonniers de la Seine ; ils sont aux aguets, examinant le courant d’un œil exercé, ramassant la bûche arrachée au train, la pomme tombée du bateau, la serviette emportée du lavoir, la canne de ligne échappée de la main d’un pêcheur malhabile, le chapeau que le vent a jeté à la rivière, tout leur est bon, tout leur est une proie et un profit. Enfin viennent les carapatas. Les noms qui précédent sont faciles à comprendre et s’expliquent d’eux-mêmes en se décomposant ; mais ce dernier est au moins singulier par son origine. Quel bohème ayant traversé la Turquie l’a rapporté parmi nous et en a fait une désignation que les statistiques officielles n’ont pas dédaigné de recueillir ? Kara, noir ; batte, canard. Jamais appellation n’a été mieux appropriée à des gens qui barbottent et pataugent tout le jour le long de la Seine ou du canal Saint-Martin, halant les petits bateaux qui franchissent les écluses, offrant tout service, acceptant toute rémunération, aidant à déchirer les vieilles toues, à tirer le bois flotté, à rouler les tonneaux d’ocre venus de Bourgogne, touchant à tous les métiers et n’en sachant aucun. Quand le carapatas n’est pas ivre, on peut crier miracle. Où couche-t-il ? Dans les bateaux abandonnés, sous la table des cabarets, le plus souvent au poste. Son nom est devenu un terme de mépris, et c’est faire injure à un homme des ports de lui dire : Tu n’es bon qu’à carapater.

Tout ce personnel, tous ces bateaux dont je viens de parler appartiennent aux industries mobiles de la Seine ; elle a aussi ses industries sédentaires, qui sont les bains et les lavoirs. Autrefois le Parisien, moins pudique