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— 2 — 29, ils montent en mai, juin, juillet, au chiffre de 474 — 341 — 306 ; à partir de ce moment ils décroissent. Mais l’hiver approche, il faut faire sa provision de bois, les marchands craignent d’être pris au dépourvu : novembre et décembre donnent ensemble 207 trains. S’il arrive qu’un train de bois se détraque en route ou se brise sur une pile de pont, la marchandise n’est pas perdue pour cela. Chaque année, en exécution de l’ordonnance de police du 25 octobre 1840 (art. 194), le préfet de police délivre environ quatre-vingts commissions de repêcheurs de bois à des individus présentés par l’agent général du commerce des bois à brûler.

C’est un dur métier que celui de flotteur ; il faut sans cesse être sur le qui-vive ; la nuit, quand on dort, ne dormir que d’un œil, parer au passage des ponts et des écluses, éviter les courants trop lents ou trop rapides, vivre les pieds dans l’eau et la tête au soleil, devenir une espèce d’être amphibie et connaître, jusque dans leurs détours, leurs caprices, leurs fausses apparences, les rivières auxquelles on s’abandonne. Ces flotteurs, qui nous apportent à Paris notre provision de bois pour l’hiver, constituent une race énergique, rude, un peu brutale parfois, mais d’une probité à toute épreuve. Pieds nus, le pantalon retroussé, la veste de camelot à l’épaule, ils vont, pendant de longues journées mélancoliques, au cours de l’eau qui les emporte, chantant un refrain monotone ou jetant un ordre bref à l’enfant qui est à l’arrière et guide les derniers coupons.

Ils n’ont pas cependant la poésie, la haute saveur de ces flotteurs de la Murg, qui, vêtus de rouge et de blanc, la tête coiffée du bonnet de renard à pasquilles d’or, mènent jusqu’à Dordrecht et Amsterdam, par le Rhin et la Meuse, des trains de bois de construction qui valent souvent quatre ou cinq millions. D’un temps oublié