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J’ai été frappé de tant de franchise ; je ne saurais dire combien j’en suis reconnaissant, et je puis affirmer que là, dans de misérables bureaux brûlants en été, glacials en hiver, j’ai vu l’âme même de Paris. J’ai vu l’esprit qui prévoit, invente, se souvient, pense, réfléchit, travaille, et sans cesse médite pour la grand’ville, pour son bien-être, pour sa santé, pour ses plaisirs. Si chaque jour Paris mange et boit, s’il est voituré à son loisir, s’il n’est pas écrasé dans les rues, noyé dans la Seine, asphyxié dans les salles de spectacle, s’il n’est ni trop volé ni trop assassiné, s’il n’est pas drogué par les marchands de vin et empoisonné par les marchands de comestibles, s’il est secouru en cas de péril, si les fous ne courent pas au hasard, si les enfants abandonnés trouvent des nourrices, si les scandales de famille sont secrètement apaisés et n’éclatent point au soleil, c’est à la préfecture de police qu’on le doit. Sans bruit, sans vaine gloriole, ce travail s’accomplit et détermine chaque jour l’existence de deux millions d’hommes.

Tout ce qui touche aux nécessités, aux commodités de la vie parisienne est surveillé d’une façon spéciale. On fera une enquête sur la grossièreté d’un cocher de fiacre, sur un panier de fruits pourris envoyé aux halles, sur un verre de vin frelaté vendu dans un cabaret, enquête approfondie et contradictoire, comme sur un assassinat ou sur un vol avec escalade. Il faut avoir lu le recueil des ordonnances de police, avoir vu à l’œuvre les agents principaux d’une si vaste machine, pour se rendre compte de cette action invisible, incessante, toujours aux aguets vers le mieux et supérieure à tout ce que peut offrir l’étude des autres pays.

La préfecture de la Seine et la préfecture de police ne suffisent pas à mettre en jeu tous les organes qui sont nécessaires aux manifestations multiples de la vie de Paris. Bien des administrations de première importance