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rentes, qui toutes trois y exerçaient la justice avec cette jalousie inquiète que donnent les privilèges seigneuriaux. La chaussée était au roi, les arches de côté au chapitre de Notre Dame, qui y faisait moudre ; l’arche du milieu au prévôt des marchands : celle-ci était exclusivement réservée à la navigation, mais nul bateau ne pouvait la franchir sans payer un droit fixe à l’avaleur de nefs. Que le lecteur ne voie pas dans ce fonctionnaire une sorte de Gargantua engloutissant les bateaux chargés de vivres et de vins ; son nom à une signification moins redoutable : il avalait les nefs, c’est-à-dire qu’il les faisait descendre, les dirigeait en aval de la rivière. Lorsqu’un roi de France faisait son entrée solennelle dans « sa bonne ville de Paris », il passait sur le pont au Change ; au moment où il y mettait le pied, auprès du Grand-Châtelet, les jurés oiseliers avaient le privilège et l’obligation de lâcher des oiseaux captifs, afin de rappeler au souverain la liberté qu’il devait accorder aux prisonniers. Cet usage symbolique et très-doux ne disparut qu’à la Révolution ; Marais et Barbier racontent que, lors du premier lit de justice tenu par Louis XV et lors de l’entrée de Marie Leczinska, on fit envoler des oiseaux, comme aux beaux jours du moyen âge. Le Petit-Pont est aujourd’hui encore tel qu’il fut rebâti en 1718, après avoir été neuf fois détruit par des incendies et des inondations[1].

Le pont Saint-Michel fut le troisième pont que vit Paris ; il fut commencé en 1378, par ordre de Charles V, et terminé seulement en 1387 ; les vieillards peuvent se rappeler l’avoir vu chargé de maisons, car on ne les enleva qu’en 1808 ; il vient (1867) d’être repris en sous-œuvre et mis en rapport avec le boulevard Saint-Michel qu’il réunit au boulevard Sébastopol. En

  1. Voir Pièces justificatives, no 11.