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place du Châtelet, la promenade plantée de saules et chère aux Parisiens est aujourd’hui le quai des Grands-Augustins, l’Écorcherie s’appelle le quai de Gèvres ; en passant devant le quai d’Orsay, bâti en 1802, Néel, à la fin du siècle dernier, pouvait écrire dans son burlesque Voyage à Saint-Cloud par terre et par mer : « J’estimai que ce que je voyais était ce que nos géographes de Paris appellent la Grenouillère, parce que j’entendis effectivement le coassement des grenouilles. » Les peaussiers, les mégissiers qui, habitant les bords de la Seine, avaient baptisé le quai de la Mégisserie, sont relégués avec les tanneurs dans le faubourg Saint-Marceau, à côté de la Bièvre ; les bouchers ont vu leurs abattoirs, qui jadis ensanglantaient les environs de l’Hôtel de Ville, repoussés vers les quartiers excentriques. Lentement, mais incessamment la Seine s’est épurée ; elle a rejeté loin de ses rives tous les corps d’état malfaisants qui les encombraient ; elle est aujourd’hui exclusivement réservée à la navigation, à la batellerie et aux industries spéciales qui vivent forcément sur l’eau. Mais ce ne sont pas seulement les rivages de la Seine qui ont subi des modifications ; ses îles non plus n’ont pas été épargnées ; au gré des besoins successifs, on les a reliées entre elles ou rattachées à la terre ferme.

Dans tout le cours de la Seine parisienne, on n’en compte plus que deux à cette heure, l’ile de la Cité, l’ile-mère, celle d’où la vieille Lutèce est sortie du fond des roseaux, et l’ile Saint-Louis ; les autres méritent qu’on rappelle ce qu’elles étaient et qu’on dise ce qu’elles sont devenues. Jadis on en comptait dix : c’était d’abord l’ile aux Javiaux ; en 1468, elle prit le nom de Nicolas Louvier, prévôt des marchands, qui la possédait. Au commencement du dix-huitième siècle, elle fut acquise par l’administration municipale sans but déterminé ; elle était louée à des marchands de bois, qui y créèrent