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divinité ? On pourrait le croire, puisque le Tibre fut un dieu. Ceux qui la possédaient et en avaient la navigation exclusive étaient de grands personnages, les plus riches et les plus considérables de la Cité ; il y a longtemps que les nautes étaient célèbres, et le plus ancien monument de Paris leur appartient. Lorsque, en 1711, Louis XIV fit changer le maître-autel de Notre-Dame, dans les fouilles qu’on opéra au milieu du chœur de la vieille basilique, on rencontra les débris d’un autel élevé autrefois par nos pères ; sur une de ses faces on lisait et on peut lire encore au musée de Cluny : tib : cæsare aug. jovi optumo maxsumo… m. nautæ parisiaci publice posuerunt ; — sous Tibère César Auguste, à Jupiter très-bon, très-grand, les navigateurs parisiens publiquement consacrèrent… — Ces nautœ, désignés plus tard sous le nom de mercatores aquœ, furent la souche de notre administration municipale ; ils furent la hanse ; leur chef, d’abord prévôt de la marchandise d’eau, devient prévôt des marchands, puis maire de Paris et enfin préfet de la Seine. C’est à cette origine, et non pas à la forme problématique de la Cité, — jadis composée de trois îles, — qu’il faut attribuer les armes de Paris, la nef et la devise : Fluctuat nec mergitur, que Philippe Auguste donna à notre ville, au moment où il commençait la construction de la grosse tour du Louvre dont relèvent tous les châteaux de France ».

La Seine a connu toutes nos discordes civiles et, si je puis dire, elle y a pris part. Les Normands l’ont envahie sur leurs barques d’osier recouvertes de peau[1] ; elle a reçu le corps de Louis de Bois-Bourdon, l’amant d’Isabeau de Bavière : « Laissez passer la justice du roi ! » elle s’est refermée sur les cadavres des Armagnacs,

  1. Au seizième siècle, les chanoines de Sainte-Geneviève chantaient encore dans leurs litanies :
    A furore Normannorum libera nos, Domine !