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machines et chaque jour a amené des améliorations dont on s’est hâté de profiter. Les mécaniciens, chauffeurs, conducteurs, aiguilleurs ont une expérience et une éducation pratique qu’ils n’avaient pas autrefois. Les mécaniciens sont à la fois très hardis et très-prudents ; ainsi qu’ils le disent eux-mêmes, « ils y vont pour leur peau, » et ils sont toujours les premières victimes de ces désastres. À quoi tient un accident ? À bien peu de chose souvent.

M. Pilinski, mécanicien du chemin de fer du Nord, conduisait un train express ; à une courbe, aux environs de Creil, il aperçoit en travers de la voie un fardier chargé de pierres de taille abandonné par le charretier, qui, s’étant engagé sur le passage à niveau, n’avait point eu le temps de franchir la route avant l’arrivée du convoi. Le mécanicien siffla d’abord aux freins pour modérer la vitesse et rendre le choc moins redoutable ; il comprit immédiatement que la précaution était illusoire et conduisait à un déraillement certain. Il siffla de lâcher tout, donna à sa machine la plus grande force d’impulsion qu’elle pouvait supporter et attendit le choc. La voiture fut enlevée et dispersée de chaque côté de la voie sans même que les voyageurs se fussent aperçus de l’accident. La locomotive, visitée en gare de Creil, portait à peine la trace du coup de bélier qu’elle venait de donner. M. Pilinski fut, pour ce trait de courage, immédiatement nommé mécanicien de première classe. C’est fort bien ; mais si, au lieu de couper le fardier, la locomotive l’avait simplement fait pivoter, il tombait sous les roues du convoi ; si le fardier avait été arc-bouté, il y avait déraillement, chute des wagons les uns par-dessus les autres, blessures, morts, procès, et le mécanicien qui a sauvé son train en accélérant sa marche aurait été condamné pour ne pas l’avoir ralentie.

Il est une cause fréquente d’accidents qui, pendant