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Au prévôt des marchands, aux maires de Paris a succédé le préfet de la Seine ; c’est aujourd’hui un grand personnage de l’État, qui s’est mis en tête de reconstruire la capitale de la France. Depuis une quinzaine d’années, il a jeté la moitié de la ville par terre et l’a rebâtie. Grande cause d’exaspération pour les Parisiens, qui étouffaient dans leurs ruelles infectes, et auxquels on a donné — à bon prix, il est vrai — de l’air et du soleil. Pour mettre beaucoup de salubrité et quelque stratégie dans une ville aussi grande que Paris, les ressources normales de la commune ne suffisaient pas ; les recettes ordinaires du budget de 1868 ont été de 143 131 124 fr. 84 c. ; ce n’est pas avec cela qu’on remanie de fond en comble une cité colossale dont la population fixe est de 1 825 274 habitants. Alors on a fait des emprunts, et la ville est fort endettée. De là redoublement de clameurs. Les opérations ont-elles ou n’ont-elles pas été régulières ? Je ne suis ni économiste ni financier, et, comme le père de Lucinde, je puis dire : « Je ne me connais pas à ces choses. » Mais dans son excellent livre sur l’Administration de la commune de Paris[1] M. Jules Le Berquier dit : « La transformation d’une ville doit-elle être la dette d’une seule génération, d’une seule époque ? » Poser la question, c’est la résoudre, et il est juste que nos enfants payent une partie des embellissements dont ils jouiront en repos et dont seuls nous aurons supporté les ennuis.

Je voudrais qu’un coup de baguette magique pût remettre tout à coup Paris dans l’état où nous l’avons connu il y a vingt ans, à l’heure de la révolution de Février. Ce serait un cri d’horreur, et nul ne pourrait comprendre qu’un peuple aussi vaniteux que les Parisiens ait pu vivre dans de pareils cloaques.

  1. Librairie administrative de Paul Dupont. Paris, 1868.