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le mouvement à corps perdu, délia les cordons de sa bourse, et, entraînée par l’espoir et l’exemple de gros bénéfices, offrit aux futurs chemins de fer plus d’argent qu’ils n’en demandaient. Si le mobile fut peu louable, le résultat du moins fut excellent, et l’on put, grâce aux capitaux qui abondaient, grâce à une armée d’ingénieurs remarquablement intelligents, déployer dans la construction de nos voies ferrées autant d’activité qu’on avait mis jadis de lenteur et de mauvais vouloir à les adopter. Partout on travailla à la fois avec un ensemble irréprochable, et l’on commença enfin ce réseau français qui s’achève aujourd’hui et ne tardera pas à être complet.

On n’a pas à se repentir d’avoir pris ce grand parti, et les prévisions les meilleures, celles des prétendus utopistes qui promettaient un grand avenir à nos chemins de fer, ont été dépassées dans des proportions que des chiffres feront apprécier. Quand on a construit le chemin de fer de l’Est (Paris à Strasbourg), on avait évalué le produit des marchandises à 12 000 francs par kilomètre, et celui des voyageurs, messageries, bagages, à 6 000 francs. Or, en 1864, le produit de la petite vitesse sur la voie de l’Est a été de 38 959 francs par kilomètre, et celui des voyageurs, bagages et messageries de 27 893 francs ; c’est à-dire que le produit total, étant de 66 732 francs au lieu de 18 000, a dépassé les premiers calculs de prés de 48 000 francs[1]. Est-ce à dire que de si magnifiques résultats aient désarmé les adversaires systématiques des chemins de fer ? Non pas, et en 1834 un archevêque dont je tairai le nom a dit, dans un mandement rendu public et affiché à la porte des églises, que les chemins de fer avaient été suscités pour punir

  1. J’emprunte ces chiffres et d’autres renseignements techniques à l’excellent ouvrage de M. Jacqmin, De l’Exploitation des chemins de fer, 2 vol. in-8. Paris, Garnier frères, 1868.