Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/239

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ne nous engageons pas facilement dans la construction des chemins de fer ! »

Précisément à la même époque, dans un meeting à Tamworth, Robert Peel, chef du ministère anglais, disait : « Hâtons-nous de construire des chemins de fer ; il est indispensable d’établir d’un bout à l’autre de ce royaume des communications à la vapeur, si la Grande-Bretagne veut maintenir dans le monde son rang et sa supériorité. » Pendant que les chefs du foreign-office stimulaient l’émulation de leurs compatriotes, nos ministres raillaient les efforts des nôtres, et dans cette même année 1834 un homme d’État français, déjà irréfutable à cette époque, après avoir été visiter le railway de Liverpool, déclarait d’une manière irréfragable que les chemins de fer étaient bons à amuser les désœuvrés d’une capitale, et il ajoutait avec assurance : « Il faut voir la réalité, car, même en supposant beaucoup de succès aux chemins de fer, le développement ne serait pas ce que l’on avait supposé. Si on venait m’assurer qu’en France on fera cinq lieues de voie ferrée par année, je me tiendrais pour fort heureux ! » On ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment d’amertume et de tristesse en pensant que la France a plusieurs fois remis ses destinées et obéi à des hommes de vue si courte et de si défaillante initiative. Le résultat d’un pareil système et d’un tel aveuglement est facile à constater : en 1836, l’Angleterre avait 3 046 kilomètres de chemins de fer en exploitation ; la France en avait 142.

Cependant on ne pouvait rester absolument sourd aux appels de l’opinion publique ; mais, au lieu de prendre une détermination sérieuse, on s’arrêta à un moyen terme peu digne d’une grande nation, et une loi votée le 9 juillet 1835 autorisa la construction d’un chemin de fer entre Paris et Saint-Germain. Selon l’expression d’un ingénieur, ce ne fut qu’un joujou, mais