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après avoir passé une revue à Marly, rentra souffrant du mal qui devait l’emporter, et qu’on lui ordonna les eaux de Bourbon-l’Archambault, on fut obligé d’établir entre cette dernière localité et Versailles des relais pour les deux cents chevaux destinés à traîner les six charrettes payées 25 livres par jour, qui servaient à voiturer la boisson et les bains du roi. Le bonhomme Buvat raconte, dans son Journal de la régence, qu’à Lyon, Aix, Strasbourg, Bordeaux, au moment de l’agiotage de la rue Quincampoix, « les carrosses et autres voitures publiques étaient retenues deux mois d’avance et que même on agiotait les places, tant il y avait d’empressement de tous les côtés pour venir à Paris pour avoir des actions, comme si c’eût été le comble de la fortune la plus assurée. »

Lorsque en 1721 mademoiselle de Montpensier épousa le prince des Asturies, elle employa trente jours à franchir les 187 lieues qui séparent Paris de Bayonne. Il est juste de dire qu’elle marchait en gala, et s’arrêtait souvent ; mais en 1775 le service régulier des turgotines mettait vingt jours, c’est-à-dire quatre cent quatre-vingts heures, à accomplir le même trajet : aujourd’hui il dure exactement seize heures dix minutes, et encore on perd cinquante minutes à Bordeaux. Il y a cent ans, il fallait douze jours pour aller de Paris à Strasbourg, dix pour aller à Lyon, trois pour aller à Rouen. La moyenne du parcours quotidien était de dix lieues ; le soir on s’arrêtait, à toutes les côtes on descendait de voiture pour soulager les chevaux, à toutes les descentes on mettait pied à terre par prudence, la maréchaussée escortait les voitures par crainte des voleurs, qu’on n’évitait pas toujours. Les chemins de fer, en supprimant la distance, ont doublé la vie de l’homme qui voyage.

La France a été lente, très-lente à accepter franchement ce nouveau mode de locomotion ; par suite d’un