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travail, de l’étude, par un cercle de débauches et de luxure. Bien des étrangers envieux qui ont vu cela se sont éloignés en emportant une vague espérance au fond du cœur.

Cette exposition semblait avoir été faite à l’image de Paris, car une fois qu’on avait bravement traversé la zone d’impudicités dont elle était enveloppée de toutes parts, on arrivait aux chefs-d’œuvre qui dénotent une race très-intelligente, rompue à toutes les difficultés du travail, inventive, ambitieuse de bien faire, et, comme les Sicambres, ses ancêtres, ne redoutant rien, sinon que le ciel s’écroule sur sa tête. Paris est ainsi ; traversez la ligne de filles, de joueurs, d’ivrognes, de petits crevés, de saltimbanques et de sots qui, criant plus haut que tout le monde, attirent les regards et s’imaginent qu’ils sont tout le peuple à eux seuls, et vous trouverez un Paris moral qu’on ne soupçonne guère et qu’on ne peut se lasser d’admirer.

Pour l’observateur dédaigneux qui ne regarde qu’aux traits du visage et ne fouille pas les profondeurs de l’âme, Paris est la bête de l’Apocalypse, la Babylone, la Ninive, la Sodome. Soit. Mais cependant, au jour de la vengeance divine, le feu du ciel ne l’atteindra pas, car elle renferme assez de justes pour être épargnée. Croire que les oisifs et les viveurs sont tout Paris, c’est commettre une grosse erreur, c’est prendre la musique du régiment pour le corps d’armée. Ce n’est que la parade ; le spectacle est derrière, instructif et sérieux.

Au delà de cette tourbe bruyante et glapissante, vêtue de couleurs criardes, laissant traîner ses faux cheveux jusqu’à la ceinture, vivant de scandales et pourrissant sur pied, il y a toute une nation recueillie, probe, dévouée, qui travaille, cherche, s’ingénie, invente, dans les ateliers, dans les bibliothèques, dans les labora-