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coquets et tout battants neufs qu’on allait mettre en circulation.

Dans une autre partie de l’établissement, en face, dans la même rue, gronde une machine forte de vingt chevaux qui fait mouvoir les forges et la scierie. Les martinets, les tours, les forêts, les meules obéissent à la vapeur, qui enfle aussi les soufflets et fait fonctionner le ventilateur ; c’est là qu’on coude les cols de cygne, qu’on assemble les ressorts, qu’on bat les essieux, dont on tourne les fusées selon un calibre voulu. Les ouvriers, noircis, en sueur, défendus par le large tablier de cuir, vont et viennent à travers ces fournaises retentissantes où jaillissent les étincelles, où les enclumes résonnent en cadence sous le choc assuré des frappe-devant.

À ce bruit se mêle celui de la scierie mécanique, qui est voisine. Les pièces de bois, les troncs d’arbres, amenés à l’aide d’un petit chemin de fer sont livrés aux dents aiguës qui les taillent ; le ronflement précipité de la scie à rubans est dominé par le cri horrible de la scie circulaire, qui ne laisse même pas entendre le va-et-vient de la scie à mouvement alternatif : c’est une rumeur folle. Dans les cours sont rangés les troncs d’arbres qui attendent que le temps les ait fait suffisamment sécher pour en rendre l’emploi possible ; ils sont déjà débités en planches séparées l’une de l’autre par un tasseau qui permet la circulation de l’air sur toutes les surfaces et active ainsi la dessiccation. Malgré ces précautions, il faut trois années de stage avant de pouvoir utiliser le bois.

Quand une voiture est sortie des ateliers de la rue Stanislas, elle n’y rentre jamais que pour être brisée[1].

  1. Le fiacre neuf sortant des ateliers pèse 575 kilogrammes ; il peut contenir quatre personnes, plus le cocher. À 70 kilogrammes en moyenne, les chevaux, lorsque la voiture est au complet, ont donc un poids de 925 kilogrammes à mettre en mouvement.