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signes de l’alphabet, il inventa, aidé par M. Bréguet, une machine fort simple, très-ingénieuse, qu’on appela le télégraphe français, et qui, par les diverses combinaisons de deux aiguilles mobiles à l’extrémité d’un régulateur fixe, opérait en figurant les signaux usités par les aériens. Seulement chaque signe, au lieu de correspondre à la page d’un vocabulaire déterminé, devint la représentation d’une des lettres de l’alphabet, et les employés des anciens télégraphes purent manipuler le nouveau sans trop de difficulté[1].

Il était charmant, ce petit télégraphe français : il représentait assez bien une pendule dont le cadran eût été carré. Les employés qui l’ont manœuvré jadis le regrettent encore. Il avait quelque chose de personnel et d’humain que les autres appareils n’ont pas ; ceux-ci lui sont supérieurs sans doute comme mécanisme, mais ils n’en ont ni les soubresauts nerveux, ni les lassitudes apparentes. À voir ses aiguilles minuscules qui manœuvraient comme les indicateurs de la machine de Chappe, avec une rapidité que l’électricité et leurs courtes dimensions rendaient vertigineuse, on pouvait facilement comprendre si le correspondant éloigné qui le faisait mouvoir était d’un caractère apathique ou emporté. Ses gestes saccadés semblaient obéir aux pulsations d’une artère, et parfois il était si brusque, si désordonné dans son langage muet, qu’on éclatait de rire en le regardant. Il n’en est plus question aujourd’hui, car il a été rejoindre les vieilles lunes et je dirai bientôt dans quelles circonstances impérieuses il a dû faire place à d’autres instruments.

Par l’établissement de la ligne de Paris à Rouen, l’élan était donné, et, le 28 mars 1846, M. Duchâtel, ministre de l’intérieur, demanda un crédit de 408 060

  1. Voir Pièces justificatives, 6.