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très-facilement. Si l’on voulait, par exemple, transmettre le mot envoyer qui se trouve inscrit le quarante-sixième à la trente quatrième page du vocabulaire, on indiquait à l’aide du télégraphe d’abord le signe représentant trente-quatre et immédiatement après le signe représentant quarante-six. Rien n’était plus rationnel et plus simple, ce système de machine et de mouvements nous paraît bien arriéré aujourd’hui que nous sommes accoutumés aux incalculables rapidités de l’électricité ; mais l’invention de Chappe n’en fut pas moins une œuvre admirable. Il est difficile d’imaginer ce qu’il fallait d’activité, de vigilance, de bon vouloir aux employés ; mais on pourra s’en rendre compte lorsque nous aurons dit qu’une dépêche de quarante mots, expédiée de Paris à Bayonne, traversait cent onze stations et exigeait un total de quarante-quatre mille quatre cents mouvements.

Chaque poste intermédiaire avait deux employés qui se relayaient tous les jours à midi ; il fallait avoir sans cesse l’œil aux lunettes pour surveiller les télégraphes voisins, reproduire les signaux, s’assurer s’ils étaient répétés par la station correspondante et les inscrire sur un registre, afin qu’on pût les vérifier plus tard en cas d’erreur dans la transmission. Parfois, lorsqu’on était en train de signaler une dépêche indiquée grande activité, on était obligé de l’interrompre tout à coup pour faire passer une dépêche indiquant grande urgence ; quand celle-ci était terminée, on reprenait la première. Les préposés ignoraient absolument la valeur des signes qu’ils employaient. Le directeur à Paris, les inspecteurs en province en avaient seuls connaissance ; ils les traduisaient en langage vulgaire et adressaient par estafette leur dépêche cachetée à qui de droit.

Dans les premiers temps surtout, les employés faisaient des maladresses ; on a calculé qu’il fallait environ huit mois d’exercice pour former un stationnaire ha-