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rons avoir un jour, et nous l’écraserons ! » C’étaient là des titres ; il les fit valoir, et, dès le mois d’octobre 1870, il est à la tête du comité de vigilance, qui siège rue Clignancourt, n° 41. Il eut soin du reste de ne point exposer sa chétive personne pendant la guerre, et n’alla pas au feu une seule fois.

Il fut élu membre de la Commune et attaché, le 30 mars, à la commission de sûreté générale ; c’est en cette qualité que le 28 avril il demandait l’exécution immédiate des otages, pour « affirmer les principes ». Le 5 mai, Raoul Rigault le rapproche de lui, sous le titre de substitut du procureur de la Commune ; enfin, lorsque le fort d’Issy est occupé par nos troupes, que l’on se prépare à une résistance qui ne fera qu’augmenter la défaite, Th. Ferré est délégué à la sûreté générale, autrement dit, il est élevé à la fonction d’exécuteur des hautes œuvres de la Commune. On sait s’il fut fidèle à son mandat. Aux dernières heures de la bataille, lorsque, seul, Belleville tenait encore, Ferré coupa sa barbe, mit son petit corps en jupes, s’accrocha un chignon — réquisitionné — derrière la tête, et s’esquiva. Il fut arrêté dans la nuit du 9 au 10 juillet 1871, rue Saint-Sauveur, n° 6, dans un appartement qu’il partageait avec un ouvrier tapissier qui était son frère. Il fut hautain et railleur pendant son procès ; quoiqu’il eût assuré qu’il ne se défendrait pas, il rétorqua avec une habileté de vieux procureur quelques dépositions erronées sur le rôle qu’il avait joué à la Grande-Roquette dans la journée, du 27 mai. Au plateau de Satory, il écouta sans pâlir la lecture du jugement qui le condamnait à être fusillé, jeta son chapeau en l’air, cria : Vive la Commune ! et mourut. Un chien noir vint lécher le sang qui couvrait son visage. De sa petite et ferme écriture, il avait libellé un projet de défense qui se termine par ces mots : « La fortune est capricieuse ;