Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cournet, mangeaient copieusement, buvaient de même, se faisaient donner des sérénades pendant les repas du soir et oubliaient la sueur du peuple. Les comptes du restaurateur Martin, qui fournissait leur table, sont intéressants à étudier. Le 21 avril 1871, il est payé et donne entre les mains du citoyen Replan, caissier principal, reçu de la somme de dix mille huit cent cinquante-deux francs pour solde de nourriture jusqu’au 22 avril ; moyenne de 228 fr. 51 c. par jour, qui équivaut à une dépense annuelle de 83 406 francs. Suit le détail, où l’on peut lire : « Table de M. le préfet, 7541 francs. » Il en fut ainsi jusqu’à la fin.

Quelques chiffres expliqueront ces dépenses excessives : — 25 mars, déjeuner du général (Duval), 15 couverts : 74 bouteilles de vin de Beaune ; — 18 avril, déjeuner du préfet, 13 couverts : 48 bouteilles de mâcon, 2 bouteilles de « cognac » ; — 1er mai, déjeuner du préfet, 10 couverts : 49 bouteilles de mâcon, 5 bouteilles de « cognac » ; — 7 mai, pour la musique, 27 bouteilles de mâcon (ceci, bien entendu, sans préjudice des grands vins que l’on trouva en abondance dans la cave des préfets de police). Comme les autres, Raoul Rigault pataugea dans le vin et l’eau-de-vie. Il ne s’était jamais, du reste, piqué d’une grande pureté de mœurs, et il prouva, pendant les deux mois de la Commune, qu’il ne dédaignait aucune sorte de jouissance.

Il n’était point scrupuleux en matière d’argent : un garde-magasin, nommé Ernest Robert, est arrêté, le 3 avril, par Benjamin Sicard, attaché à l’état-major de la Préfecture ; on saisit en même temps chez lui une somme de quatre cent un francs. Robert est mis en liberté le 10 avril, réclame son argent, rédige une note où il relate les faits et l’adresse à Raoul Rigault, qui écrit : « Payer les quatre cent un francs qui sont