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çait le mot saint ni le mot sainte ; il disait la rue « Hya-Michel » pour la rue Saint-Hyacinthe-Saint-Michel. Ces puérilités amusaient et lui faisaient parfois un vocabulaire difficile à comprendre, mais qui lui valait un renom d’originalité dont il se montrait fier, car il était vaniteux comme un geai. On ne sait trop de quelles ressources il vivait ; d’assez méchants bruits ont couru à cet égard dans le quartier latin, mais rien dans les documents que nous avons eus à notre disposition ne semble les justifier.

Après le 4 septembre, il put saisir son rêve et entrer à la Préfecture de police ; un peu plus tard M. Edmond Adam l’installa au service politique, précisément à la place que Lagrange avait occupée. Il était là, beaucoup moins pour aider le gouvernement de la Défense nationale que pour profiter de toute occasion propice à le renverser. Il était dans le complot du 31 octobre, fut nommé préfet de police par Blanqui, et se préparait à prendre possession, lorsque le mouvement avorta. Il fut forcé de donner sa démission ; mais il ne quitta pas son poste sans emporter des documents qui plus tard ne lui furent pas inutiles, entre autres le livre d’adresses de tous les employés de la Préfecture. Il revint à la vie privée et se contenta de pérorer dans les brasseries, au lieu de se joindre à nos débris d’armée qui luttaient contre l’ennemi aux avant-postes. Il était officier d’artillerie, comme tous les révolutionnaires, dont le rêve est d’avoir des canons pour faciliter l’application de leurs théories ; lorsqu’on lui reprochait son inaction, il répondait négligemment : « Je suis artilleur en chambre. » Ce n’est pas que cet homme fût lâche, il sut bien mourir ; mais, ainsi que tous ses congénères, il se réservait pour le grand jour des revendications sociales, c’est-à-dire pour le jour où il pourrait s’emparer du pouvoir.