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part et d’autre, ce fut une guerre fraternelle :Et solitn fratibus odia,a dit Tacite.

On allait voir ce que peut faire un peuple sans mesure et sans instruction, lorsqu’il est livré à lui-même et qu’il se laisse dominer par ses propres instincts. L’intérêt de ceux qui avaient saisi la direction de ses destinées était de le surexciter, de l’amener à ce paroxysme inconscient où l’homme redevient la bête féroce naturelle. Comme le combat devait être à outrance, on exaspéra les combattants jusqu’au délire ; on ne leur ménagea rien, ni les mensonges, ni les menaces, ni les flagorneries, ni l’argent, ni l’eau-de-vie. Pendant deux mois Paris fut en proie à l’ivresse furieuse. Ce que le Comité central avait fait secrètement, la Commune le faisait en quelque sorte avec la sérénité que donne la satisfaction du devoir accompli. Pendant que la tourbe se ruait à des batailles auxquelles elle finissait par prendre goût, ses deux maitres se disputaient et cherchaient à s’arracher le pouvoir.

Des élections avaient été ouvertes une apparence de légalité consacrait la Commune, qui avait cru prendre la place du Comité central. Celui-ci s’était solennellement engagé à se retirer lorsque « le peuple souverain aurait parlé ». Le peuple souverain parla, — il eût mieux fait de se taire, — et le Comité central n’abdiqua ni ses prétentions, ni la direction occulte qu’il aimait à exercer, spécialement sur les choses de la guerre. Le conflit fut permanent ; on essayait de le dissimuler, il n’en éclatait pas moins. Pour mettre tout le monde d’accord sous une égale oppression, on revint, le 1er mai, à cette vieillerie du Comité de salut public. Cela n’arrangea pas les choses : comité de salut public, comité d’artillerie, comité des barricades, comité des subsistances, comité d’approvisionnements militaires, comité de sûreté générale, comité central, comité de toute