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mais elle peint au vif l’espèce d’irritabilité indécise dont les esprits les meilleurs étaient alors atteints. Tout le monde sentait que l’heure de l’action était proche, et nul ne savait quelle action il convenait d’engager.

Enfin, après des attermoiements dont l’avenir pénétrera peut-être le mystère, on se décida à agir. Dans la soirée du 17 mars, les chefs de corps furent réunis au Louvre, chez le général Vinoy, gouverneur de Paris, et ils reçurent communication des opérations militaires qu’ils devaient diriger dans la matinée du lendemain. On connaît cette aventure dont le résultat dépassa toutes les craintes des conservateurs et toutes les espérances des révolutionnaires : engagement de troupes ; retard dans l’envoi des attelages ; premier succès immédiatement suivi de la débandade des soldats, noyés au milieu d’un flot de population que l’on n’avait pas su maintenir à distance ; assassinat du général Lecomte et de Clément Thomas, massacrés à Montmartre, rue des Rosiers, dans une maison où le comité de vigilance du XVIIIe arrondissement, fondé le 4 mars[1], avait souvent tenu séance.

À midi, nul espoir ne subsistait ; la journée était perdue. M. Thiers se rappelant que le feld-maréchal Windischgrætz avait repris Vienne de haute lutte en 1848, après en avoir été chassé, fit transmettre ordre à toutes les administrations d’avoir a se rallier a Versailles, où le siège du gouvernement allait s’établir en permanence. Lui-même s’y rendit après avoir prescrit l’évacuation des forts du sud et la concentration à Versailles de la brigade Daudet, ce qui impliquait l’abandon du Mout-Valérien. Cet ordre verbal fut répété et écrit par lui au moment où il allait traverser le pont de Sèvres. La retraite administrative fut rapide ; le soir,

  1. Ce comité avait déclaré qu’il défendrait sescanons contre tous ceux, quels qu’ils fussent, qui tenteraient de s’en emparer.